Petit billet d’humeur (ça fait un moment ? Pas sûr…), aujourd’hui sur les certifs dans l’IT.
Pour savoir comment j’en suis arrivé là, je vais vous montrer une petite capture d’écran d’un post globalement un peu bullshit comme on en voit beaucoup sur LinkedIn (un type qui te “libère” du salariat).
Mais il y a UN passage, qui lui, m’a fait réfléchir et tomber dans le “rabbit hole”. Accrochez vous, ça va drifter sévère.

Je pose ça là, on en reparlera plus tard.
Pourquoi tu parles de ça ?
Parce que c’est une question qu’on me pose régulièrement !!
C’est un peu un marronier dans l’IT, certains d’entre nous ont un avis sur les certifications techniques (ou non) dans notre domaine, mais à l’inverse beaucoup de gens n’arrivent pas à s’en faire une idée tranchée.
Alors, régulièrement (dans le sens de la régularité, pas dans le sens “souvent”), on me demande mon avis à moi.
J’imagine que ça fait de moi… un influenceur ? Lol ;-)
J’avais d’ailleurs été amené à en parler lors d’un épisode de Zenikast (un podcast de Zenika), et probablement une ou deux autres fois, mais j’ai oublié “où”…
Sauf qu’à chaque fois, je n’arrive pas à sortir une “hot take”, un avis bien tranché comme on les aime sur les réseaux. On va voir ce que ça donne sur le blog, par écrit, et avec le temps d’y réfléchir.
Je comprends le besoin de se démarquer, dans un marché tendu en particulier pour les jeunes diplômés ou les profils issus de reconversions
En 2010, quand je suis arrivé sur le marché du travail, du taf, il n’y en avait pas beaucoup. Encore moins en administration système. Encore moins avec la contrainte de rester sur Bordeaux.
J’ai commencé, par dépit après de longs mois d’entretiens sans issue post-diplôme d’ingé (!!!), par me rabattre sur la première ESN qui a bien voulu de moi. L’expression “vendeurs de viande” n’était vraiment pas exagérée tant les conditions de travail et le salaire étaient déplorables.
Pendant les années qui ont suivi, même si j’ai quitté cette ESN, j’ai rêvé de pouvoir passer des certifs qui auraient pu, dans mon inconscient en tout cas, me décrocher un ticket vers un taf meilleur. J’ai envisagé de passer des formations / certifs pour devenir expert AS/400 (ils étaient payés “une fortune”, à l’époque) ou même auditeur ISO 27001 (j’ai même failli la passer, j’ai fait la formation).

Donc, avant toute chose, je veux dire haut et fort que je comprends l’envie que peuvent avoir certain(e)s de se démarquer, par tous les moyens, dans un marché tendu.
Et pour un profil plus expérimenté ?
J’ai pas mal de copains / connaissances pro qui passent des certifs. Certains beaucoup. Généralement, ce sont des gens qui travaillent dans des ESN, sociétés de services, de conseil. Souvent, ces certifs sont payées par l’employeur.
Parfois même, ne pas passer la certif peut être synonyme de rupture de période d’essai (c’était déjà le cas en 2010, et j’ai vu ça dans plusieurs entreprises très diverses).
Dans ces cas-là, on comprend la motivation et ça rejoint un peu la capture d’écran tout en haut de l’article. L’idée, c’est de cocher une case dans un appel d’offre (ou équivalent), plus que de réellement valider une compétence.
Mais il est encore trop tôt pour faire un choix revenir sur la capture d’écran.

On retrouve aussi ce pattern chez certains freelances (pas tous).
Plus rarement, on voit aussi des salariés expérimentés, hors ESN, qui passent des certifs.
C’est typiquement mon cas. Je ne suis plus jeune diplômé, je n’ai pas tellement besoin de passer une certif pour prouver ma compétence (mes années d’expérience et mes réalisations jouent sûrement plus). J’ai la chance d’avoir un taf qui me plaît, et encore plus de chance d’avoir un carnet d’adresses conséquent si jamais la situation devait changer.
Pour autant, je passe de temps en temps des certifs. Typiquement, je suis en train de m’entraîner pour passer les certifs CNCF CKA / CKAD / CKS (j’ai eu les 2 premières).
Note : elles sont payées par mon employeur (on y reviendra).
Qu’est-ce que ça dit de soi, de passer des certifs ?
Ben déjà, ça dépend de la certif !!
Dans mes “jeunes années”, j’ai passé des certifs complètement bullshit. Sachez que je suis depuis 2016 DataCore Certified Solutions Architect (DCSA).
Pas mal non ? Ça claque.
La réalité, c’est que j’ai passé un QCM de 20 questions sur un produit de stockage software assez moyen (désolé, mais c’est vrai). Je ne l’ai pas eu du premier coup, car à certaines questions, il fallait donner des réponses qui étaient FAUSSES.
Et si je le sais, c’est parce que j’ai demandé des comptes au commercial…
QUI M’A DONNÉ LE CORRIGÉ SANS CHERCHER À COMPRENDRE QUE SA CERTIF ÉTAIT POURRIE.
Autant dire que cette certification n’a strictement aucune valeur, et c’est malheureusement vrai pour beaucoup de certifs d’outils propriétaires.
Les certifs sont “données” aux clients comme des bonbons, dans une tentative de vendor lock-in des entreprises par le biais de leurs salariés, comme Microsoft qui habitue les enfants à utiliser Office 365 depuis la primaire.
Et des certifs plus sérieuses ?
Certaines certifs (celles qu’on voit le plus sur les réseaux) sont plus sérieuses. On ne peut pas y aller “les mains dans les poches” et on ne vous donnera pas les réponses.
C’est typiquement le cas d’une formation suivie d’une certification d’un gros clouder, qui m’a donné le niveau de “Associate Cloud Engineer” (😏).
La formation, très (très) complète, composée de plus de 80h de vidéos (!!!), reprennait tout de 0. On ne peut pas dire que ce n’était pas quelque chose de “sérieux”. Un étudiant / jeune diplômé qui fait l’effort de suivre tout le cursus apprendra forcément pas mal de théorie.
On peut peut-être me reprocher en revanche de m’être forcé à écouter en entier un discours théorique dont je connaissais a minima 80% de ce qui était dit (si ce n’est 95%), plutôt que de le sauter et passer direct à la certif.
Quant au test pour valider l’acquisition de la compétence, il se composait d’un QCM de 50 ou 60 questions avec 4 réponses possibles. Bien souvent, avoir quelques bases théoriques d’infra et faire preuve de bon sens suffit à trouver la bonne réponse, par élimination.
Est-ce que ça fait de moi un professionnel efficace sur ce cloud provider ?
Non, pas du tout.
D’abord parce que les connaissances qui sont vérifiées par un QCM sont très très très théoriques. OK, je sais le nom du service qu’il faut utiliser dans le cas où je dois loadbalancer du trafic. Ça ne vérifie pas si je pense que c’est effectivement une bonne idée d’avoir recours à un loadbalancer !
L’acquisition des connaissances nécessaires pour juste “passer” le QCM relève plus du bachotage que de la connaissance technique réelle.
Pire ! On peut retrouver les corrigés de ces QCM (pour les grands logiciels et les grands cloud providers) sur Internet. Typiquement, j’ai déroulé plus de 400 questions dispos sur le net avant de passer la certif, pour me rassurer.

On peut “ace” (ahah) le test sans rien comprendre à l’infra. Se baser uniquement sur les connaissances acquises avec juste des certifs, c’est l’assurance d’une facture cloud bien dodue ;-)
J’ai passé le test du premier coup. Je n’ai plus aucun souvenir de ce que j’ai appris avec cette certif.
Mais alors, c’est de la me… ?
Les certifs CNCF sortent un peu du lot (ce n’est probablement pas les seules qui sont comme ça).
Pour ce qui est de la CKA / CKAD / CKS, ce ne sont pas des QCM. Il s’agit de tâches à résoudre sur des environnements virtuels, donc il y a déjà un peu de pratique.

Elles sont somme toute assez complexes par rapport aux autres certifs que j’ai pu passer, et nécessitent d’enchaîner beaucoup d’exercices dans un temps très court. On doit donc réviser un certain nombre de concepts qu’on n’utilise pas forcément tous les jours pour les connaître par cœur.
Pour autant, ça reste quand même assez théorique. Le travail qu’il est demandé de réaliser m’oblige certes à prouver que je connais les concepts de base de Kubernetes, mais ne ressemble en rien à mon “day to day”.
Pour essayer de donner un exemple “concret” : on ne va jamais me demander de copier “en prod” un manifest de Deployment, de créer un autre namespace à la main et de modifier le manifest pour le déployer dans le nouveau namespace. J’exagère un peu, mais c’est le genre de tâches qui sont demandées et clairement c’est très loin de mon quotidien (heureusement).
À l’inverse, je suis censé passer avant janvier ma CKS (la certification Kubernetes qui se focalise sur la sécurité) et à l’heure actuelle, je suis quasiment sûr que si j’essaie de la passer aujourd’hui, je ne l’aurai pas (en tout cas pas du premier coup).
Est-ce que ça dit de moi que je suis mauvais en sécurité dans Kubernetes ? C’est peut-être prétentieux mais je pense que non.
À l’inverse, est-ce que quelqu’un qui a eu sa CKS est automatiquement meilleur que moi en sécurité dans Kubernetes ? Pas sûr. Et pourtant c’est la plus complexe !
On peut tout à fait avoir sa CKAD (avec du travail), mais n’avoir jamais géré correctement une prod. Ou même la moindre idée de ce que c’est, une prod…
Est-ce qu’il y a un intérêt, alors ? Positif ou négatif ?
Pour un(e) junior qui aurait déjà manipulé une prod (ou toute personne qui débute dans le cloud native), je pense quand même que oui.
Déjà, ça va forcer la personne en question à réviser les bases (toutes), et à manipuler la théorie, potentiellement loin du “day to day” de sa prod.
Pour quelqu’un avec 5 ans d’expérience ou plus, c’est moins clair. Si on parle de moi, je suis déjà passé par cette étape en 2017, en apprenant Kubernetes en lisant l’intégralité de la doc officielle (oui, c’est vraiment comme ça que j’ai appris Kubernetes). En révisant la CKAD/CKA, j’ai quand même découvert quelques petites subtilités que j’ignorais, et quelques “tricks” pour gagner du temps sur certaines actions manuelles.
Il reste un dernier point que je n’ai pas abordé à propos de la CKA/CKAD/CKS (et dans une moindre mesure, la certif du clouder) : obtenir ces certifs, ça demande du travail. C’est même dur. Et parfois, on ne réussit pas du premier coup.
Et ça, ça peut générer de l’engagement, voire de la fierté, ou de la reconnaissance entre pairs, quand on réussit à la passer.
C’est compliqué à quantifier et ça dépend de chacun, mais ce n’est donc vraiment pas “inutile”, même quand on n’est pas freelance ou salarié d’une ESN.
En conclusion, le gain sera certainement beaucoup plus grand pour les profils un peu moins expérimentés que moi, mais même moi, j’y trouve mon compte.
On remonte du rabbit hole
Vous vous souvenez d’où on est parti ??? De là !

J’ai parlé beaucoup des salariés, mais assez peu des entreprises qui demandent à leurs prestataires ou candidats à un poste une certif.
El famoso “une certification sur GCP serait un plus” (quand ce n’est pas carrément obligatoire pour postuler).
Et quand on a dit tout ce que j’ai dit (à savoir, que techniquement, quelqu’un qui a sa CKAD peut potentiellement ne pas savoir gérer une prod), on se demande bien pourquoi c’est demandé par l’entreprise.
Plus j’y pense, et plus je me dis que la personne de la capture d’écran a peut-être un peu raison. Ces gens cherchent à se couvrir, pas à trouver la bonne personne…
Post-scriptum
Est-ce que vous êtes plus avancé qu’avant le début de l’article ?
Non, hein ? 😌

Addendum
Sur Bluesky, Alexis La Goutte me fait remarquer que j’oublie un point important sur “POURQUOI diantre les ESN et sociétés de conseil en tout genre sont si friantes des certifs à gogo” ???
En effet, un point important à savoir est que les éditeurs et les constructeurs ont tendances à cataloguer leurs partenaires en silver / gold / platinum / salade tomate oignon en fonction de tout un tas de critères, DONT le nombre de certifiés.
Concrètement :
“Tu veux revendre mon tout dernier serveur LLED avec une meilleure marge ? Pas de souci, faut juste que tu certifies 50 gars pour passer de Silver à Gold”
C’est plus compliqué que ça, mais vous voyez le délire.
Dans certains deals, j’ai entendu parler d’éditeurs qui refusaient de présenter un intégrateur, car il n’avait pas assez de profils certifiés, alors que l’intégrateur aurait tout à fait été en mesure de répondre à l’appel d’offre.
Avoir un grand nombre de gens certifiés est donc le nerf de la guerre pour améliorer ses marges, voire une question de survie pour obtenir des deals.
Et bien sûr, comme les certifs expirent au bout de 2/3 ans max, ça fait une rentrée d’argent aussi abondante que récurrente. Les éditeurs / constructeurs sont toujours gagnants, comme les casinos.
